Conférence du CCME sur les risques de submersion de la ville de Nouakchott

lun, 25/12/2023 - 13:47

Le Collectif des Cadres Mauritaniens Expatriés (CCME) a organisé aujourd’hui à Nouakchott une importante conférence sur le thème : « RISQUES D’INONDATION A NOUAKCHOTT ET GESTION DURABLE DU LITTORAL ».

La conférence animée par M. Ibrahima THIAW, Sous-secrétaire Général des Nations Unies, Secrétaire Exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification et M. Ahmed SENHOURY, Directeur Exécutif du Partenariat Régional pour la Conservation de la zone côtière et Marine (PRCM) s’est déroulée en présence de Mmes Lalya Kamara Ministre de l’Environnement et Fatimetou Abdel Malek Présidente du Conseil Régional de Nouakchott.

Après le mot de bienvenue prononcé depuis la Suisse par M.Guéladio Guissé, Président du CCME, la Ministre de l’Environnement a salué la pertinence du sujet et souligné l’importance accordée par les autorités mauritaniennes à cette question, ce qui s’est traduit entre autres par la création en octobre dernier par la création de l’Observatoire national de l’environnement et du littoral dont les principales missions consistent à fournir l’expertise scientifique et servir de levier efficace pour nourrir et éclairer toutes les décisions sur les options stratégiques de gestion et d‘exploitation de l’espace, des sols et des ressources naturelles du littoral, conformément aux textes en vigueur.

Quant aux risques de submersion de la ville de Nouakchott ils sont longuement documentées depuis de longues années a noté Mme la ministre.

Nouakchott en danger

Dans son intervention préliminaire Ibrahima Thiaw a mis en évidence les risques de submersion de la capitale mauritanienne même si at-il souligné la ville ne figure pas sur les listes rouges des villes les plus menacées du Top 20 dont notamment celles de Calcuta et Mombay (Inde), Daka (Bengladesh), Changhai et Guangzhou (Chine).

Nouakchott ne figure pas non plus sur la liste noire des villes Ouest-africaines les plus menacées dont Lagos, Abidjan, Accra, Cotonou, Saint-Louis.

Est-ce à dire que Nouakchott n’est pas menacée ? Pas du tout répond le conférencier qui explique que cette absence sur les listes noire ou rouge pourrait s’expliquer par le manque d’études mais aussi le manque de communication.

Ce serait donc ce manque d’information qui aurait extirpé la ville de Nouakchott du péril marin. Et M.Tiaw d’enfoncer le clou en affirmant que Nouakchott est bien l’une des villes les plus vulnérables car prise en sandwich entre le désert et l’océan.

La ville se trouve à 1m en dessous du niveau de la mer et fait face à plein de défis avec des installations non réglementaires, un cordon littoral qui se dégrade, un plan d’urbanisation bafoué, un plan de riposte embryonnaire, une faiblesse institutionnelle notoire, un manque de ressources budgétaires, des considérations socio-ethnographiques complexes…

Et plus grave encore, face au péril climatique la question suscite peu d’engouement de la part des élus et des gouvernants. Or, les risques se multiplient et une catastrophe n’est pas à exclure et il faut une soupape de sécurité alerte le conférencier, qui rappelle que les prévisions du GIEC sont terribles.

Les fondements techniques de la menace de submersion

Expliquant les aspects techniques de la menace M. Ahmed SENHOURY, Directeur Exécutif du PRCM et éminent spécialiste du littoral a mis en exergue les aspects techniques de la vulnérabilité de la ville de Nouakchott.

Le littoral se caractérise par la présence de côtes rocheuses au Nord.

Au centre on trouve des vasières protégées par des hauts fonds. C’est une zone calme.

Au Sud, par contre, du Cap Timiris à N’Diago, c’est une zone sableuse, rectiligne et exposée à une agitation très forte. Et la ville de Nouakchott est construite dans l’extrême concavité de cette zone. Elle est soumise à des conditions hydrodynamiques extrêmes : Pas d’obstacles naturels, zone houleuse et oblique avec une très grande capacité à mobiliser du sable-1 million de mètres cubes par an.

Il s’agit là du transit sédimentaire parmi les plus intenses au monde, souligne le spécialiste.

Ainsi, la ville de Nouakchott est exposée à des aléas climatiques intenses et à une vulnérabilité naturelle exacerbée par des actions anthropiques non adaptées. C’est ce qui explique l’existence de risques réels d’inondation.

Ces aléas climatiques se résument à la désertification, à l’élévation du niveau de la mer, au vent qui souffle toute l’année, à la houle dominante oblique au trait de côte et aux températures de plus en plus intenses et fréquentes.

D’autres paramètres accentuent la menace. En effet, certaines zones se situent à 1,3 m en dessous du niveau de la mer. La nappe souterraine affleure de temps en temps et son espace se réduit et elle devient imperméable. Cette augmentation est devenue très importante avec l’Aftout Essahili.

L’anomalie du Port de Nouakchott et les menaces sur les ports de Ndiago et de Tanit

La construction du port en eau profonde de Nouakchott a constitué une véritable anomalie et une agression flagrante de l’écosystème côtier.

C’est pour cette raison que les factures écologique et financière ne cessent de se démultiplier. En effet afin de protéger le port de l’avancée du sable la construction d’un épi de protection (une digue) afin de retarder le contournement du sable fut une erreur monumentale. Cela a eu pour conséquence l’engloutissement de l’ancien Wharf de Nouakchott par le sable.

Et pour le port une nouvelle solution s’imposera à l’horizon 2024-2028. En effet pas moins de 34 Millions de mètres cubes de sable sont bloqués au niveau du port. Et du fait du déficit créé, la mer se voit obligée de déplacer du sable et l’érosion ne fait que s’accentuer à cause de ce blocage. Ainsi on sera obligé tous les dix ans d’investir une somme égale à celle que nécessite l’édification d’un nouveau port.

Et les mêmes erreurs ont été observées lors de la construction des ports de N’Diago et de Tanit. On n’a pas tiré les leçons des erreurs commises lors de la construction du Port de l’Amitié de Nouakchott.

C’est ainsi que pour N’Diago, le port a été construit sans étude préalable d’impact. On n’a pas non plus tenu compte de la fragilité de l’écosystème. Et déjà en 2019 l’ensablement de ce port était très avancé et n’était pas loin de l’extrémité. Le sable commence déjà à contourner ce port construit très récemment et il devient impérieux de faire quelque chose pour sa protection.

Au niveau du port de Tanit aussi le déficit de sable commence déjà à se faire ressentir au Sud du port.

Pour le Dr Senhoury il est urgent de trouver une solution au problème du blocage du sable au niveau du port de l’amitié et au déficit de sédiments qui accentue l’avancée de l’érosion côtière. Il y a des solutions de type By-Passing qui consiste à prélever du sable (par camions) du Nord du port pour le déposer au Sud mais cette solution est très coûteuse  car il s’agira de déplacer 1million de mètres cubes de sable.

Facteurs de risques d’inondations de Nouakchott

Parmi ces facteurs le panéliste a énuméré pêle-mêle les pluies qui surviennent en période de haute marée, la remontée de la nappe, l’érosion côtière et les incursions marines…

La conjonction de deux ou plusieurs de ces facteurs peuvent occasionner des inondations à Nouakchott.

S’agissant des coûts d’une éventuelle submersion marine, une étude remontant à 2008 avait estimé les dégâts à près de 7 milliards de dollars. Ce chiffre doit logiquement être revu à la hausse vu le développement des infrastructures intervenu depuis lors.

Ainsi pour le Dr Senhoury, Nouakchott est l’une des villes les plus menacées d’Afrique mais regrette-t-il les autorités ne communiquent pas sur cette question.

Il préconise la mise en place d’un assainissement approprié. Une étude dont la mise en œuvre s’est avérée très coûteuse avait été diligentée par un bureau d’élude hollandais.

Mais selon l’expert, la solution optimale ce serait la végétalisation dans le cadre d’une gestion intégrée.

Recommandations : Création de la Haute Autorité du Littoral…

A l’issue de l’intervention des panélistes, des officiels et des débats des recommandations formulées et lues par Ibrahima THIAW, Sous-secrétaire Général des Nations Unies, Secrétaire Exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, en présence de Lalya Kamara ministre de l’environnement se résumaient comme suit.

D’abord la nécessité absolue de créer une Haute Autorité du Littoral affiliée à la Présidence de la République, à la Primature ou au Ministère de la Défense. Elle aura pour mission de coordonner et d’exécuter toute la politique liée au littoral. Il s’agira d’identifier les opportunités pour un développement intégrée et équilibrée des villes côtières et d’apporter une réponse inclusive à toutes les questions.

En effet, aujourd’hui, les conflits armés tuent moins que les catastrophes naturelles extrêmes, note M.Thiaw qui ajoute que la sécurité nationale dépend du littoral. Et d’ajouter que les forces de défense et de sécurité doivent être préparées à ces nouveaux défis.

La création de cette haute autorité permettra selon le conférencier de surmonter tous les chevauchements qui existent entre départements ministériels et qui bloquent toute évolution.

Raser toutes les constructions du littoral nouakchottois, une nécessité

La 2ème recommandation consiste à arrêter définitivement la saignée des constructions sur le littoral, des constructions qui provoquent un affaissement de la dune qui n’est haute que de 6 m.

Il faut donc bannir toute forme de construction. Il serait même envisageable et nécessaire, au nom de la sécurité nationale de raser toutes les constructions et au niveau du littoral et dédommager les propriétaires comme cela a été fait et bien réussi à Cotonou au Bénin.

3ème recommandation, poser un garrot qui consistera à créer un système d’assainissement et d’égouts.

Enfin 4ème recommandation, soigner les plaies une fois le garrot posé. En effet pour M.Thiaw, les investissements directs étrangers (IDE) seront sur la côte ou ne seront pas. Et grâce à l’Hydrogène vert et au gaz, grâce aux perspectives d’une énergie bon marché, la Mauritanie sera beaucoup plus attractive pour les investisseurs d’où la nécessité d’une politique de promotion des investissements. Mais il va falloir que la Mauritanie qui est toujours mal notée améliore son rang dans le Doing Business.

En conclusion M.Thiaw a affirmé que tous les défis actuels peuvent être transformés en opportunités.

Notons enfin qu’à l’issue de cette conférence un Comité de Suivi des recommandations sera mis en place. Il travaillera en étroite collaboration avec le ministère de l’Environnement pour leur mise en œuvre.

Rappelons enfin que le CCME dont font partie les deux panélistes du jour est un Think Thank, un creuset d’expertises nationales de cadres de hauts niveau, majoritairement issus de la diaspora et qui contribue au renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance en Mauritanie.

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